Infirmière à Tahiti: les conseils d’Anaïs et les démarches pour être recrutée
J’ai reçu de très nombreux messages d’infirmiers en quête d’informations pour venir travailler en Polynésie française. Je dois bien reconnaître, qu’avant l’arrivée d’Anaïs, nouvelle infirmière dans le service de médecine interne du centre hospitalier, j’avais un peu de mal à répondre. Mais aujourd’hui, Anaïs nous explique comment elle et son compagnon ont décroché un poste en moins de deux semaines après leur arrivée à Tahiti.
Bonjour Anaïs. Que peux-tu nous dire sur toi ?
J’ai 29 ans, bientôt 30, cap difficile que j’aurai la chance de passer en Polynésie. Ca m’aidera surement! J’ai débarqué à Tahiti, le 5 janvier 2018. Je suis infirmière depuis 6 ans. Je vis en couple avec François, mon étudiant infirmier, que j’ai détourné du chemin de la sagesse, il y a maintenant un an et demi. J’ai fait mes études d’infirmière en région parisienne puis je suis rapidement retournée à Bordeaux, mon pays d’origine. J’ai travaillé dans une petite clinique du Bassin d’Arcachon, dans le service des urgences/SMUR, ce qui m’a permis d’apprendre des millions de choses et de voir des situations très formatrices et parfois difficiles à gérer.
Pourquoi as-tu décidé de venir en Polynésie ?
Après 6 ans aux urgences où la charge de boulot était parfois intenable, je commençais à devenir irritable. Et puis le manque d’optimisme en France était pesant. Je me suis rendue compte qu’il était temps de changer d’air. Alors pourquoi ne pas partir loin pour découvrir un autre monde et avoir d’autres opportunités professionnelles. J’ai toujours rêvé d’exercer mon métier d’infirmière dans des contrées exotiques, mais il faut bien avouer que je ne suis pas une aventurière solitaire! C’est grâce à François, que j’ai eu le courage de sauter le pas. On a réfléchi longuement (peut-être pas tant que ca!) et on a pris la décision de quitter la France.
Mais alors, pourquoi avoir choisi Tahiti ? C’est surtout la réputation de gentillesse et d’accueil de ses habitants qui nous a décidés. Avant de partir, nous nous sommes beaucoup renseignés à propos de la vie quotidienne des expatriés en Polynésie. On savait que la vie était chère et qu’on risquait d’avoir vite fait le tour de l’île. Mais étant une passionnée de nature et d’animaux, je pense que Tahiti est une destination qui risque de m’occuper pour un moment !
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Justement, comptes-tu rester longtemps ?
Quand nous avons annoncé à nos familles notre départ à Tahiti, nous avons eu droit à l’incontournable question : « vous partez combien de temps? ». François a répondu « 1 an », mais après seulement 15 jours en Polynésie, il voulait déjà acheter une maison et se voyait installé ici. Je suis, de mon coté, un peu plus partagée. Je pense que deux ans seront suffisants mais il faut reconnaitre que depuis que nous sommes à Tahiti, la chance nous a souri et tout nous incite à rester plus longtemps. La vie est douce et la nature incroyable. Mais la famille est loin…
Quel poste occupes-tu actuellement ?
Avec François, nous avons eu beaucoup de chance. Il a trouvé un poste en deux semaines au Centre Hospitalier de Polynésie française (CHPF). J’ai eu immédiatement plusieurs propositions et j’ai choisi un CDD de 2 mois en médecine interne au CHPF, puis à la fin de mon contrat, j’enchaîne sur un poste d’infirmière en pédiatrie, de nuit, à la clinique Paofai. Il faut savoir que quand on arrive à Tahiti et que l’on trouve du boulot, même si le poste proposé ne vous enchante pas, il ne faut pas être trop difficile. Il faut foncer !
Quelles ont été tes démarches pour trouver ton poste ?
Avant de débarquer ici, nous avons fait beaucoup de recherches sur internet et avons vite compris que trouver un emploi d’infirmier allait être une tache difficile. Certains ne trouvent pas (pas stressant du tout!!) et d’autres décrochent un poste en trois jours ! Et pourquoi? Et bien je pense qu’il y a une part de chance. Tu arrives au bon moment quand on a besoin de toi. Mais l’expérience entre aussi en ligne de compte. Beaucoup d’infirmières, jeunes diplômées, semblent avoir attendu longtemps avant de trouver un poste. Mais surtout il ne faut pas se reposer sur ses lauriers et il est indispensable de prospecter en continu. Une chose est sure, si tu as une spécialisation, le travail viendra a toi ! Pour certains, comme les IBODE (infirmier / infirmière de bloc opératoire), il est même possible de postuler depuis la France. Et oui, car si tu n’es qu’une « simple » infirmière ce n’est pas possible. Il faut déjà être sur place pour postuler.
Concernant les démarches, il faut commencer par faire enregistrer son diplôme à la direction de la santé : 5 min top chrono ! Mais pour pouvoir faire cela, il faut une adresse postale. Et comme à Tahiti, il n’y a pas de facteur, il faut ouvrir une boite postale ! Donc passage obligatoire par l’OPT (la poste locale). Si tu trouves des colocs super sympa, tu peux leur emprunter la leur. Après l’enregistrement du diplôme à la direction de la santé, il faut aller à l’ordre infirmier. L’inscription obligatoire coûte 5000 francs (42 Euros) mais tu ne peux pas régler en espèces ni avec un chèque français. Il faut soit ouvrir un compte bancaire local avant, soit faire un virement depuis ton compte français. Le questionnaire à remplir pour l’ordre se trouve sur internet (cliquer ici) et tu peux donc, avant ton arrivée, commencer à le remplir et à réunir les papiers nécessaires. Après tout ça, tu peux commencer à déposer tes CV et après il n’y a plus qu’à attendre ! Si rien ne se produit, déplace toi, demande à voir les cadres des services, il ne faut pas hésiter à se montrer!
Et tu as trouvé ton poste d’infirmière très rapidement ?
Oui, François et moi avons trouvé très vite et je pense que notre expérience aux urgences et nos années de diplôme nous ont aidés. Avant de partir, j’ai passé un diplôme supplémentaire pour mettre du poids dans mon CV. Je ne saurais dire si cela a fait pencher la balance en ma faveur, mais j’ai du boulot ! Par contre, les postes comme celui de François, au CHPF, sont habituellement attribués en priorité aux jeunes diplômés tahitiens, ce qui est normal. Nous espérons que le contrat de François sera renouvelé, ce qui semble assez probable car il y a sans doute assez de postes pour tout le monde et François a su s’intégrer. Quant à moi, je serai ensuite en clinique, dont le fonctionnement est différent. Il n’y a pas d’obligation de favoriser le recrutement d’infirmières polynésiennes. Il faut quand même faire ses preuves pour garder son poste.
Etre infirmière à Tahiti, est-ce très différent par rapport à ce que tu as connu en France ?
Etre infirmière à Tahiti, c’est vraiment très différent. Travailler en 12 H est un vrai plus. Avoir trois jours de repos consécutifs permet de voyager dans les îles polynésiennes. Le grand changement par rapport à la France, c’est la charge de travail. Tu peux prendre le temps de faire les choses. Tes journées sont bien remplies mais tu n’es pas obligé de tout faire (trop) vite. Et puis tu tutoies tout le monde, y compris ta cadre ! Au début c’est compliqué mais ça vient vite ! En conclusion, infirmière à Tahiti, c’est plus cool, moins stressant. Après, j’arrive de 6 ans d’urgences alors je ne sais pas si je peux comparer! Une chose est sure, pour le moment, personne ne m’a crié dessus!
Combien gagne une infirmière chaque mois ?
L’hôpital reprend l’ancienneté (viens avec tes certificats de travail français) et donc ton salaire dépend de ton échelon. Tu bosses 39 H, les heures supplémentaires sont payées, il n’y a pas de RTT et pas d’impôt sur le revenu. Au total, tu gagnes plus qu’en France. Mais il faut aussi savoir, que si tu ne travailles pas tu ne touches rien. Pas d‘allocation chômage, pas de RSA.
En moyenne, mon salaire d’infirmière au CHPF, pour un échelon 3 avec deux weekends par mois, est de 320000 Francs (2700 Euros).
Vos deux salaires sont–ils suffisants pour vivre à Tahiti ?
Nos deux salaires d’infirmiers sont largement suffisants pour bien vivre à Tahiti. Avec un seul, ce serait possible mais avec moins de loisir, beaucoup moins! On essaie quand même de faire attention, surtout au niveau alimentaire. On évite de consommer trop de produits importés qui coûtent très chers et on mange local, c’est à dire des fruits et du poisson….
Nous avons acheté une voiture car nous sommes arrivés pendant la saison des pluies et le scooter ne semblait pas adapté. Les voitures sont excessivement chères et il y a surtout beaucoup d’arnaques avec des véhicules qui, au final, ne roulent pas (il n’y a pas de contrôle technique). Nous avons payé la notre 3200000 Francs (2700 Euros). C’est un peu un taudis mais elle fonctionne !
Pour le logement, nous avons opté pour une colocation. Le loyer dépend évidemment de la maison, de sa localisation et du nombre de colocs. Il faut compter entre 60000 et 80000 Francs (500 à 700 Euros) de loyer mensuel pour une chambre de taille raisonnable.
Qu’est ce qui te plait ici, qui t’étonne le plus ou qui t’agace déjà ?
A Tahiti, la vie est douce. Les Polynésiens sont accueillants, toujours prêts à se dévoiler et à partager la richesse de leur culture à condition d’être toi-même ouvert. La nature et les fonds marins sont pour moi un émerveillement. Je n’ai pas encore eu la chance de randonner mais il y a de quoi faire!
Le plus dur pour moi, c’est peut être le manque de préservation de cette magnifique nature (les déchets, trop peu de transports en commun…), les carences de la prévention sanitaire (beaucoup d’obésité, c’est vraiment triste) et les bouchons! Et je crois que les animaux errants sont une de mes plus grosses peines. Il faut espérer qu’un jour des solutions soient enfin trouvées. En attendant, de nôtre coté, on tente de faire attention à nos gestes quotidiens.
Quels sont tes projets de voyages ?
Nous avons plein de projets ! Plonger à Fakarava, quand on aura obtenu notre pallier 1, La Nouvelle Zélande, les Etats-Unis…
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Quel serait ton message pour les infirmières et infirmiers qui, comme toi, voudraient tenter l’aventure polynésienne ?
Le plus important c’est d’être organisé. Ne partez pas dans l’optique de commencer par prendre des vacances. Il faut d’abord trouver un travail avant de pouvoir profiter des charmes de la Polynésie !
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